Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/74

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innocentes distractions, cette vanité microscopique avaient jusqu’alors suffisamment garni celui de M. Coumbes ; mais, à présent, il était vide, une haine contre les fauteurs de cette révolution s’y infiltrait peu à peu.

Cette haine était d’autant plus violente, qu’elle se sentait réduite à l’impuissance. Jusqu’à ce moment elle était restée concentrée. Comme certaine puissance belligérante, M. Coumbes mettait tous ses soins à cacher ses échecs à ses peuples : il s’était bien gardé d’initier Millette aux causes de sa mauvaise humeur ; mais, son dépit prenant le caractère du désespoir, cette mauvaise humeur commença de déborder, de se faire jour, de se révéler enfin par des interjections furibondes.

Millette, à laquelle l’état de son maître et seigneur inspirait de vagues inquiétudes, n’en soupçonnait pas la cause. Elle craignit que le cerveau de son maître ne se dérangeât, elle lui offrit ses soins : M. Coumbes la repoussa ; elle se réfugia dans la cuisine.

Demeuré seul, M. Coumbes s’abandonna à toutes les douloureuses jouissances de la vengeance imaginaire. Il rêva qu’il était roi, qu’il faisait pendre haut et court ses voisins et passer le soc de la charrue sur cet immoral chalet ; puis, entrant dans un autre ordre d’idées, il songea qu’il était devenu Robinson et qu’il se trouvait transporté dans une île déserte