Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/88

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Elle pouvait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans ; elle était grande, mince et svelte ; ses cheveux, de ce blond chaud et doré que les peintres de Venise ont reproduit avec tant d’amour, tombaient sur sa nuque en un chignon que les deux mains n’auraient pu contenir ; leurs fauves reflets, l’éclat de ses sourcils et de ses yeux noirs comme l’ébène, la rougeur purpurine de ses lèvres, faisaient encore ressortir la blancheur de sa peau.

Il est bien entendu que Marius n’apprécia aucun de ces détails ; il ne remarqua pas davantage la simplicité de costume qui tranchait avec le caractère de la beauté de cette apparition ; il ne vit pas la douceur de son sourire, la bienveillance de sa physionomie, le geste encourageant par lequel elle l’invitait à se remettre ; il se trouvait sous le coup de cette surprise grosse d’émotions que doit éprouver un petit corsaire qui croit poursuivre un paisible bâtiment de commerce, lorsque celui-ci, par un mouvement rapide comme l’éclair, enlève ses pavois et démasque de formidables rangées de batteries. Il pouvait déjà être brave, mais il était trop jeune pour ne pas être timide. Cette jolie personne lui paraissait bien autrement redoutable à affronter que ne l’était l’adversaire qu’il cherchait. Il ramassa maladroitement, gauchement, son chapeau, balbutia quelques mots, et se fût enfui, si la voix de la jeune fille, une voix pure et d’un timbre