Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/96

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malheureux ouvrait sous ses pas, lorsque Dieu m’envoya une salutaire inspiration : je résolus de renoncer au monde, de sacrifier mon bonheur individuel, d’éprouver si, puisque l’autorité manquait à mon âge, ma tendresse pour Jean ne suffirait pas aux nouveaux devoirs de mère que j’embrassais avec ardeur. À tout prix, il fallait lui conserver une fortune que ses goûts oisifs lui rendaient si nécessaire, et je me dévouai à cette tâche ; je me mis à la tête de cette maison. Je ne vous parlerai pas des résultats que j’ai obtenus de ce côté, monsieur, quoique j’en sois un peu bien fière ; mais je vous apprendrai que je suis parvenue à inspirer à mon frère une confiance qui me permet de lire constamment dans son cœur. Ses égarements, je le crois, ne sont que le fruit de la jeunesse, la conséquence d’une exubérance de sève : déjà il écoute mes conseils ; bientôt, je l’espère, il les suivra. Comme je vous le disais tout à l’heure, je lui ai entendu raconter ce qui s’était passé à Montredon. Mes reproches avaient devancé vos plaintes ; mais nous n’étions pas seuls, et je n’ai pu, en face de ses commis, flétrir, comme je sais le faire, l’inconvenance de sa conduite. C’est mon frère, monsieur, c’est plus que mon frère, c’est mon enfant. Jugez de ce que je dois souffrir en songeant aux suites terribles que pourraient avoir ces extravagances puériles ; laissez-moi les détourner de sa tête, je vous en con-