Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/148

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C’est un poisson de trop petite taille qui, n’ayant pas su résister au courant, apparaît en éclaireur.

Celui-là, on ne se donne pas même la peine de le ramasser, on le laisse tranquillement faire, à nu, et en cherchant quelques-unes des petites flaques d’eau qui stagnent au fond du réservoir, ces sortes de cabrioles que les saltimbanques appellent pittoresquement des sauts de carpe.

Puis vient l’eau noire :

C’est le quatrième acte, c’est-à-dire la péripétie.

Instinctivement, le poisson, selon ses forces, résiste à ce courant inusité qui l’entraîne ; rien ne lui a dit que le courant est un danger, mais il le devine.

Aussi, chacun remonte de son mieux le courant.

Le brochet nage côte à côte avec la carpe qu’il poursuivait la veille et qu’il empêchait de trop engraisser ; sans lui chercher dispute, la perche chemine avec la tanche, et ne songe même pas à mordre dans cette chair dont elle est si friande.

C’est ainsi que, dans une même fosse creusée pour prendre du gibier, des Arabes trouvent parfois confondus gazelles et chacals, antilopes et hyènes, et les hyènes et les chacals sont devenus aussi doux et aussi tremblants que les gazelles et les antilopes.

Mais enfin les forces des lutteurs s’épuisent.

Les éclaireurs que nous avons signalés tout à l’heure deviennent plus fréquents ; la taille des poissons commence à devenir respectable, et la preuve leur est donnée par les ramasseurs du cas qu’on fait d’eux.

Ces ramasseurs sont des hommes en simple pantalon de toile et en simple chemise de coton.

Les jambes du pantalon sont relevées jusqu’au haut des cuisses, les manches de la chemise sont retroussées jusqu’au haut de l’épaule.

Ils entassent le poisson dans des corbeilles.