Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/154

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mes. Ma mie, j’espère que vous avez apprécié comme moi le compliment, et que, pour prouver à monsieur qu’en vrais chrétiens que nous sommes, nous ne lui gardons pas rancune, s’il est des environs, et si cela ne le dérange pas trop de sa route, il nous accompagnera au logis, où nous humerons ensemble une vieille bouteille que Perrine ira chercher derrière les fagots.

– Oh ! je vous reconnais bien là, maître Népomucène ; tous moyens vous sont bons pour choquer les gobelets, et, lorsque les occasions vous manquent, vous êtes fort habile à les dénicher, n’importe où. Vous savez cependant, monsieur Magloire, que le docteur vous a expressément défendu de boire entre vos repas.

– C’est vrai, madame la baillive, fit maître Népomucène ; mais il ne m’a pas défendu de faire une politesse à un charmant garçon tel que monsieur me paraît être. Soyez donc clémente, Suzanne ; quittez cette mine bourrue qui vous va si mal. Par le sang-diable ! madame, qui ne vous connaît pas croirait, à vous entendre, que nous en sommes à une robe près. Eh bien, pour prouver à monsieur le contraire, si vous obtenez de lui qu’il nous accompagne au logis, je vais vous bailler, en rentrant, de quoi acheter ce bel accoutrement de lampas que vous souhaitez depuis si longtemps.

Cette promesse eut un effet magique. Elle adoucit subitement la colère de dame Magloire, et, comme la pêche tirait vers sa fin, elle accepta d’un air moins revêche le bras que Thibault lui présentait fort gauchement, nous devons l’avouer.

Quant à celui-ci, tout émerveillé de la beauté de la dame, jugeant, d’après les quelques mots qui étaient échappés à elle et son mari, qu’elle était la femme d’un magistrat, il fendit fièrement la foule, marchant