Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/158

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Perrine entra pour demander à son maître quel vin il fallait monter.

Mais le joyeux petit bonhomme était trop fin gourmet pour charger une femme de ces sortes de commissions.

Les femmes, en effet, n’ont jamais pour certaines bouteilles vénérables tout le respect qu’elles méritent et toute la délicatesse avec laquelle elles aiment à être maniées.

Il tira Perrine comme s’il voulait lui parler à l’oreille. La bonne fille s’inclina pour se mettre à la portée du petit bonhomme. Mais il lui appliqua un bon gros baiser sur une joue encore fraîche, qui ne rougit point assez pour faire croire que ce baiser était une nouveauté pour elle.

– Eh bien, monsieur, qu’y a-t-il donc ? demanda en riant la grosse fille.

– Il y a, Perrinette, ma mie, dit le bailli, que moi seul connais les bons tas, et comme, vu leur multiplicité, tu pourrais t’égarer au milieu d’eux, il y a que je vais à la cave moi-même.

Et le bonhomme disparut en trottinant sur ses petites jambes, gai, alerte et fantastique comme ces joujoux de Nuremberg qui sont montés sur une machine que l’on remonte avec une clef, et qui, une fois remontés, tournent en rond, ou vont à droite et à gauche, tant que le ressort est tendu.

Seulement, le cher petit bonhomme semblait remonté par la main du Bon Dieu lui-même, et ne devoir s’arrêter jamais.

Thibault demeura seul.

Il se frottait les mains, et se félicitait d’être tombé dans une si bonne maison, entre une si belle femme et un si aimable mari.

Cinq minutes après, la porte se rouvrit.