Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/162

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– Bon ! n’est-ce pas ?

– Excellent !

Le féminin se rapportait à la carpe. Le masculin, au vieux mâcon. De la carpe et du mâcon, on passa au pâté et au chambertin.

Là, les langues commencèrent à se délier.

Surtout celle du bailli.

À la moitié du premier perdreau et à la fin de la première bouteille de chambertin, Thibault savait l’histoire de maître Népomucène Magloire. Cette histoire n’était, du reste, aucunement compliquée.

Maître Magloire était le fils d’un fabricant d’ornements d’église qui avait travaillé pour la chapelle de monseigneur le duc d’Orléans, lequel brûla, par religion, pour quatre à cinq cent mille francs de tableaux de l’Albane et du Titien.

Chrysostome Magloire plaça Népomucène Magloire, son fils, comme premier chef de bouche chez monseigneur Philippe d’Orléans, fils de Louis.

Le jeune homme avait eu, tout enfant, une vocation décidée pour la cuisine ; il était particulièrement attaché au château de Villers-Cotterêts, et, pendant trente ans, ce fut lui qui présida aux dîners de monseigneur, lequel présentait Magloire à ses amis comme un véritable artiste et, de temps en temps, le faisait monter pour causer cuisine avec M. le maréchal de Richelieu.

À l’âge de cinquante-cinq ans, Magloire se trouva tellement arrondi, que ce ne fut plus qu’avec une certaine difficulté qu’il put passer par les petites portes des corridors et des offices.

Il craignit de se voir pris un jour comme la belette de La Fontaine dans son grenier, et demanda sa retraite.