Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/182

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Au bout d’un quart d’heure, pendant lequel le cœur de Thibault battit si fort, que ce bruit, fâcheux augure ! lui rappelait le tic-tac du moulin de Coyolles, dame Suzanne entra dans sa chambre.

Le premier plan de Thibault avait été, aussitôt dame Suzanne entrée et la porte fermée derrière elle, de sortir de sa cachette, de se précipiter à ses genoux et de lui déclarer son amour.

Mais il réfléchit qu’il était possible que, dans sa surprise, et avant de l’avoir reconnu, dame Magloire ne pût étouffer quelque cri révélateur, et qu’il était préférable, pour faire connaître sa présence, d’attendre que maître Magloire fût irrévocablement endormi.

Puis aussi, ce qui le détermina à ce sursis, ce fut peut-être ce sentiment, que l’homme, si résolu qu’il soit, cherche toujours à retarder l’instant suprême, quand cet instant est aussi hasardeux que celui dont allait dépendre le bonheur ou le malheur du sabotier.

Car Thibault, à force de se dire qu’il était amoureux fou de dame Magloire, avait fini par le croire lui-même, et il avait, malgré la protection du loup noir, ce côté timide qu’ont en eux tous les amoureux.

Il se tint donc coi derrière ses rideaux.

Cependant la baillive s’était assise devant le miroir de sa toilette Pompadour, mais c’était pour s’attifer comme si elle devait aller à une fête ou suivre une procession.

Elle essaya dix voiles avant d’en choisir un.

Elle ajusta les plis de sa robe.

Elle entoura son cou d’un triple rang de perles.

Puis elle chargea ses bras de tout ce qu’elle avait de bracelets.

Enfin, elle arrangea sa coiffure avec un soin minutieux.

Thibault se perdait en conjectures sur le but de cette