Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/193

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– Le fait est que la dernière heure que j’ai entendu sonner, dit le bailli jubilant, c’était onze heures.

– Alors, on se leva.

– Pas moi, je crois, dit le bailli.

– Non, mais madame Magloire et votre hôte. Elle lui indiqua sa chambre, où dame Perrine le conduisit ; après quoi, en tendre et fidèle épouse qu’elle est, madame Magloire vous borda dans votre lit, et rentra dans sa chambre.

– Chère Suzannette ! dit le bailli d’un ton attendri.

– Ce fut là, dans sa chambre, une fois rentrée, une fois seule, qu’elle prit peur ; elle alla à sa fenêtre et l’ouvrit ; le vent, en entrant dans la chambre, souffla sa bougie. Vous savez ce que c’est que la peur, compère ?

– Oui, je suis très peureux, répondit naïvement maître Magloire.

– Eh bien, à partir de ce moment la peur s’empara d’elle, et, n’osant vous réveiller, de crainte qu’il ne vous arrivât malheur, elle appela le premier cavalier qui passait ; ce cavalier, par bonheur, c’était moi.

– C’est bien heureux, monseigneur !

– N’est-ce pas ?… J’accourus, je me fis reconnaître. « Monseigneur, montez, me dit-elle, montez ! montez ! montez vite ! je crois qu’il y a un homme dans ma chambre. »

– Oh ! là là !… fit le bailli ; vous dûtes avoir grand-peur ?

– Point du tout ! Je pensai que c’était temps perdu que de sonner ; je fis tenir mon cheval par l’Éveillé, je montai sur la selle, puis de la selle sur le balcon, et, pour que l’homme qui était caché dans la chambre ne pût point se sauver, je fermai la fenêtre. Ce fut dans ce moment, qu’entendant le bruit de votre porte qui s’ouvrait, madame Magloire, succombant à tant d’émotions successives, s’évanouit entre mes bras.