Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/206

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bien à Thibault de comprendre qu’il était parfaitement éveillé ; d’autant plus que, quand il se fut bien frotté les yeux pour s’assurer de la vérité, les sons rustiques qu’il avait entendus parvinrent à son oreille parfaitement distincts.

Ils se rapprochaient rapidement de lui.

Un oiseau répondait au concert des hommes par le concert de Dieu. Une fleur, un perce-neige, il est vrai, brillait comme une étoile au pied du buisson où chantait l’oiseau.

Le ciel était bleu comme en un beau jour d’avril.

Que voulait donc dire cette fête du printemps au milieu de l’hiver ?

Le chant de l’oiseau qui saluait ce jour inespéré, l’éclat de cette fleur qui faisait miroiter sa corolle pour remercier le soleil d’être venu la visiter, ces bruits de fête qui prouvaient au malheureux damné que les hommes s’associaient au reste de la nature pour être heureux sous ce dais d’azur, tout ce bouquet de joie, toute cette gerbe de bonheur, au lieu de faire revenir Thibault à des idées plus calmes, augmentèrent sa méchante humeur.

Il eût voulu que le monde entier fût sombre et noir comme était alors son âme.

Il pensa d’abord à fuir le concert champêtre qui s’approchait de plus en plus.

Mais il lui semblait qu’une puissance plus forte que sa volonté clouât ses pieds à la terre.

Il s’enfonça donc dans le creux de son chêne et attendit.

On entendait distinctement des cris joyeux et des chansons grivoises se mêler aux accents des violons et au son du hautbois.

De temps en temps, un coup de fusil retentissait, un pétard éclatait.