Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/215

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seur valet de chambre du seigneur Raoul de Vauparfond.

– Hé ! François ! cria Thibault, que fais-tu là dans ton coin, à bouder comme un moine en carême, au lieu de dîner honnêtement et franchement comme je fais, à la vue de tout le monde ?

François ne répondit pas à l’interpellation, et fit seulement signe de la main à Thibault de se taire.

– Que je me taise ? Que je me taise ? dit Thibault. Et s’il ne me convient pas de me taire, à moi ? Si je veux parler ? Si je m’ennuie à dîner tout seul ? S’il me plaît de te dire : « Ami François, viens ici ; je t’invite à dîner avec moi… » ? Tu ne viens pas ? Non ? Eh bien, alors je vais t’aller chercher.

Thibault se leva et, suivi par les regards de tous les convives, il alla donner à son ami François une tape à lui démonter l’épaule.

– Fais semblant de t’être trompé, Thibault, ou tu me fais perdre ma place ; ne vois-tu pas qu’au lieu de ma livrée, j’ai ma redingote couleur de muraille ! Je suis ici en bonne fortune par procuration de mon maître, et j’attends un billet doux que je dois lui porter.

– Dans ce cas, c’est autre chose, et je te demande bien pardon de l’indiscrétion. J’aurais cependant bien voulu dîner avec toi.

– Rien de plus simple : fais servir ton dîner dans un cabinet particulier, et je vais dire à notre gargotier que, s’il arrive un autre grison comme moi, il le fasse monter ; entre nous autres amis, il n’y a pas de mystère.

– Bon ! fit Thibault.

Et il appela le maître du restaurant et fit porter son dîner au premier étage, dans une chambre donnant sur la rue.