Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/216

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François se plaça de manière à voir celui qu’il attendait, descendre de loin la montagne de la Ferté-Milon.

Le dîner qu’avait commandé Thibault pour lui seul était assez copieux pour deux convives.

Il n’y changea rien, sinon qu’il demanda une ou deux bouteilles de vin de plus.

Thibault n’avait pris que deux leçons de maître Magloire, mais il les avait prises bonnes, et elles lui avaient profité.

Disons aussi que Thibault avait quelque chose à oublier, et qu’il comptait sur le vin pour arriver à cet oubli.

Thibault regardait donc comme un grand bonheur d’avoir rencontré un ami avec qui causer.

Dans la situation de cœur et d’esprit où était Thibault, on se grise autant en parlant qu’en buvant.

Aussi, à peine assis, à peine la porte refermée, à peine son chapeau bien enfoncé sur sa tête, pour que François ne remarquât pas le changement de couleur d’une partie de ses cheveux, Thibault entama-t-il la conversation en attaquant bravement le taureau par les cornes.

– Ah çà ! l’ami François, dit-il, tu vas m’expliquer un peu, n’est-ce pas, ce que veulent dire quelques-unes de tes paroles que je n’ai point comprises ?

– Cela ne m’étonne pas, dit François en se renversant avec fatuité sur le dossier de sa chaise ; nous autres laquais de grands seigneurs, nous parlons la langue de la cour, et tout le monde n’entend point cette langue-là.

– Non ; mais, quand on vous l’explique, on peut l’entendre.

– Parfaitement ! Interroge, et je te répondrai.

– Je l’espère d’autant mieux que je me charge d’hu-