Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/236

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Un doux parfum flottait dans l’air, vague et indéfinissable. Il eût été impossible de dire de quelle essence il était composé.

Ce n’était point un parfum, c’était une émanation.

C’est à ces effluves embaumés qu’Énée, dans l’Énéide, reconnaît la présence de sa mère.

Poussé par la chambrière, Thibault avait fait un pas dans la chambre, puis il s’était arrêté.

Il avait tout vu d’un regard, tout aspiré d’un souffle.

Tout avait passé comme une vision devant ses yeux :

La chaumière d’Agnelette, la salle de la meunière, la chambre de la baillive.

Puis tout cela avait disparu pour faire place au délicieux paradis d’amour dans lequel il venait d’être transporté comme par enchantement.

Il doutait de la vérité de ce qu’il voyait.

Il se demandait s’il existait véritablement des hommes et des femmes si privilégiés de la fortune, qu’ils habitassent dans de pareilles demeures.

N’était-il pas dans le château de quelque génie, dans le palais de quelque fée ?

Qu’avaient donc fait de bien ceux qui jouissaient d’une pareille faveur ?

Qu’avaient donc fait de mal ceux qui en étaient privés ?

Pourquoi, au lieu de souhaiter d’être Raoul de Vauparfond pendant vingt-quatre heures, n’avait-il pas souhaité d’être le petit chien de la comtesse pendant toute sa vie ?

Comment redeviendrait-il Thibault après avoir vu tout cela ?

Il en était là de ses réflexions lorsque la porte du cabinet de toilette s’ouvrit et que la comtesse parut.

C’était bien véritablement l’oiseau de ce nid charmant, la fleur de cette terre embaumée.

Ses cheveux, dénoués et soutenus seulement par