Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/248

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maintenant il serait dangereux d’opérer dans le sang un mouvement quel qu’il fût.

– Qu’augurez-vous de son état ? demanda le curé, qui pensait que moins il y avait à faire pour le médecin, plus il restait à faire pour le prêtre.

– Si la blessure suit son cours ordinaire, dit le docteur en baissant la voix, le malade ne passera probablement pas la journée.

– Alors, vous le condamnez ?

– Un médecin ne condamne jamais, ou, quand il condamne, c’est en laissant à la nature son droit de faire grâce : un caillot peut se former et arrêter net l’hémorragie ; une toux peut faire sauter le caillot et l’hémorragie tuer le malade.

– Alors, vous pensez qu’il est de mon devoir de préparer le pauvre garçon à la mort ? demanda le curé.

– Je crois, répondit le médecin en haussant les épaules, que vous feriez mieux de le laisser tranquille : d’abord, en ce moment-ci, parce qu’il est assoupi et ne vous entendra point ; ensuite, plus tard, parce qu’il aura le délire et ne vous comprendra pas.

Le docteur se trompait.

Le blessé, tout assoupi qu’il était, entendit ce dialogue, plus rassurant pour le salut de son âme que pour la santé de son corps.

Que de choses on dit devant le malade que l’on croit qu’il n’entend pas et dont il ne perd pas un mot !

Puis aussi cette acuité du sens de l’ouïe, peut-être tenait-elle à ce que c’était l’esprit de Thibault qui veillait dans le corps de Raoul.

Si c’eût été l’esprit de ce corps, peut-être eût-il subi plus sympathiquement l’influence de cette blessure.

Le médecin mit un appareil sur la blessure du dos. Quant à la blessure de la poitrine, il la laissa à découvert, en prescrivant seulement de tenir dessus un linge