Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/307

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– La femme que j’aimerai pourra-t-elle m’échapper encore ?

– Dominant tes semblables, tu les auras à ta discrétion.

– Rien ne pourra les soustraire à ma volonté ?

– Rien, excepté la mort, qui est plus forte que tout.

– Et moi, un seul jour sur trois cent soixante-cinq, je risquerai de mourir ?

– Un seul ; pendant les autres jours, ni fer, ni plomb, ni acier, ni eau, ni feu ne prévaudront sur toi.

– Et aucun mensonge, aucun piège n’est caché sous ta parole ?

– Aucun, foi de loup !

– Eh bien, soit, dit Thibault ; loup pour vingt-quatre heures, pour tout le reste du temps roi de la création ! Que faut-il faire ? Je suis prêt.

– Cueille une feuille de houx ; déchire-la en trois morceaux avec les dents, et jette-la loin de toi.

Thibault fit ce qui lui était ordonné.

Après avoir rompu la feuille, il en éparpilla les morceaux, et alors, quoique la nuit eût été excessivement calme jusque-là, un coup de tonnerre se fit entendre et une trombe de vent, impétueuse comme une tempête, fit tourbillonner ces fragments et les emporta avec elle.

– Et maintenant, frère Thibault, dit le loup, prends ma place et bonne chance ! Comme moi il y a un an, tu vas rester loup pendant vingt-quatre heures ; tâche de sortir de cette épreuve aussi heureusement que j’en suis sorti moi-même, grâce à toi, et tu verras se réaliser tout ce que je t’ai promis. Moi, pendant ce temps, je vais prier le seigneur au pied fourchu qu’il te gare de la dent des chiens du baron de Vez ; car, foi de diable ! tu m’inspires un véritable intérêt, ami Thibault.