Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/55

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– C’était, je crois, avant-hier, finit-il par répondre.

Seulement, en disant ces derniers mots, le sabotier ne put dissimuler un sourire. Ce sourire n’échappa point au baron Jean, qui, donnant de l’éperon à son cheval, arriva sur Thibault le fouet levé. Thibault était leste. D’un saut, il se trouva sous son appentis, où, tant qu’il resterait sur son cheval, le louvetier ne pouvait pénétrer. Thibault était donc momentanément en sûreté.

– Tu gouailles et tu mens ! s’écria le veneur ; car voici Marcassino, mon meilleur chien, qui se rabat et se récrie à vingt pas d’ici, et, si le daim a passé où est Marcassino, il a traversé la haie ; il est donc impossible que tu ne l’aies pas aperçu.

– Pardon, monseigneur ; mais il n’y a, dit notre curé, que le pape qui soit infaillible, et M. Marcassino peut se tromper.

– Marcassino ne se trompe jamais, entends-tu, belître ! et la preuve, c’est que, d’ici, je vois le régalis où l’animal a gratté.

– Cependant, monseigneur, je vous proteste, je vous jure…, dit Thibault, qui voyait avec inquiétude les noirs sourcils du baron se rapprocher.

– Paix, et avance ici, maroufle ! s’écria le seigneur Jean.

Thibault hésita un moment ; mais la physionomie du chasseur devenait de plus en plus menaçante : il comprit qu’une désobéissance ne ferait que l’exaspérer davantage, et, espérant que le louvetier avait quelque service à réclamer de lui, il se décida à quitter son refuge.

Mal lui en prit, car il n’avait pas dépassé de quatre pas le toit qui le protégeait, que le cheval du seigneur de Vez, enlevé du mors et de l’éperon, bondissait et