Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/62

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– Oui, des rosses, je le répète, Marcotte. Il n’y a que des rosses qui puissent mettre bas de la sorte sur un daim après une misérable chasse de quelques heures.

– Monseigneur, répliqua Marcotte avec une émotion à la fois digne et douloureuse, monseigneur, dites que c’est ma faute, dites que je suis un imbécile, un animal, un maroufle, un bélître, une buse ; injuriez-moi dans ma personne, dans celle de ma femme, dans celle de mes enfants, cela m’est égal ; mais ne m’attaquez pas dans mes fonctions de premier piqueur, n’insultez pas vos chiens, je vous le demande au nom de tous mes services passés.

– Mais comment expliques-tu leur silence ? Dis-moi cela ! Comment l’expliques-tu ? Voyons, je ne demande pas mieux que de t’écouter, et j’écoute.

– Je ne m’explique pas plus que vous leur défaut, monseigneur ; il faut que ce daim maudit se soit envolé dans les nuages ou ait disparu dans les entrailles de la terre.

– Allons, bon ! dit le baron Jean, — voilà que notre daim se sera terré comme un lapin ou se sera levé comme un coq de bruyère.

– Monseigneur, tout cela est une manière de parler. Mais, ce qui est vrai, ce qui est un fait, c’est qu’il y a de la sorcellerie là-dessous. Aussi sûr qu’il fait jour en ce moment, mes chiens ont mis bas tout à coup sans défaut et sans balancer. Demandez à tous nos gens qui étaient près d’eux avec moi. Maintenant ils ne requièrent même pas. Voyez, les voilà tout flâtrés sur le ventre comme autant de cerfs à la reposée. Est-ce naturel ?

– Fouaille-les, fils ! Fouaille-les, alors ! s’écria le baron ; fouaille à leur roussir le poil ; il n’y a rien de pareil pour chasser le mauvais esprit !

Le baron Jean s’approchait pour appointer de quelques coups de fouet les exorcismes que Marcotte dis-