– Non ; mais ce n’est point un amoureux qu’il me faut, à moi.
– Que vous faut-il donc ?
– Un mari.
Thibault fit un mouvement qu’Agnelette ne vit pas ou fit semblant de ne pas voir.
– Oui, répéta-t-elle, un mari. Grand-mère est vieille et infirme, et un amoureux me distrairait des soins que je lui donne ; au contraire, un mari, si je trouve un brave garçon qui veuille bien m’épouser, un mari m’aidera à la soulager dans son grand âge, et il partagera la tâche que le Bon Dieu m’a donnée d’adoucir ses derniers jours.
– Mais, dit Thibault, ce mari vous laissera-t-il aimer votre grand-mère plus que vous ne l’aimerez lui-même, et ne sera-t-il pas jaloux de la tendresse que vous témoignerez à la vieille femme ?
– Oh ! reprit Agnelette avec un adorable sourire, il n’y a point de danger à cela ; je m’arrangerai pour lui faire la part si large, qu’il ne sera pas tenté de se plaindre ; plus il sera doux et patient pour la bonne femme, plus je me dévouerai à lui, plus je travaillerai pour que notre petit ménage ne manque de rien. Vous me voyez chétive et frêle, et vous vous méfiez de ma force ; mais je suis brave et courageuse à l’ouvrage, allez ! Quand le cœur a dit son mot, nuit et jour on peut travailler sans fatigue ensuite. Je l’aimerai tant, celui qui aimera grand-mère ! Oh ! je vous en réponds, elle, mon mari et moi, nous serons bien heureux tous les trois.
– Tu veux dire que vous serez bien pauvres tous trois, Agnelette !
– Allons ! les amours et les amitiés des riches valent-elles une obole de plus que celles des pauvres ? Lorsque j’ai bien, bien câliné grand-mère, monsieur Thibault, qu’elle me prend sur ses genoux, m’enlace dans