Page:Dumas - Le Mois, tomes 1 à 2, mars 1848 - novembre 1849.djvu/10

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L'Angleterre, qui n'avait pour toute station dans l'Océan atlantique équinoxial :
Que Sainte-Hélène, de meurtrière mémoire.
L'Angleterre, aujourd'hui, comme une gigantesque araignée des mers, a accroché sa toile aux cinq parties du monde.
En Europe, elle possède:
L'Irlande, Malte, Heliogoland.

En Asie:
La ville d'Aden, qui commande la mer Rouge, comme Gibraltar la Méditerranée ;
Ceylan, la grande presqu'île de l'Inde, le Népaul,le Lahore, le Sind, le Beloutchistan et le Caboul ;
Les iles Sincapouo, Pinang et Sumatra.
C'est-à-dire cent vingt-deux mille trois cent trente-trois lieues de territoire, nourrissant cent vingt-trois millions d'hommes.

En Afrique :
Bathurst, les îles de Loss, Sierra-Leone, une portion de la côte de Guinée, Fernando-Rio , les îles de l'Ascension et de Sainte-Hélène, la colonie du Cap, le port Natal, l'île de France, Rodrigue, les Séchelles, Socotara.

En Amérique:
Le Canada, tout le contiuent septentrional depuis le banc de Terre-Neuve jusqu'à l'embouchure du fleuve Makensie, presque toutes les Antilles, la Trinité, une partie de la Guyane, les Malouines, Balise, Ruatan et les Bermudes.

Dans l'Océanie :
La moitié de l'Australie, la terre de Van-Diemen, la Nouvelle-Zélande, Norfolk, Hawaï et le protectorat général de la Polynésie.
Elle a tout prévu, elle est prête à tout.
Peut-être percera-t-on un jour l'isthme de Panama ; Elle a Balise, sentinelle qui attend. Peut-être ouvrira-l-on l'isthme de Suez ; Elle a Aden, factionnaire qui veille.
Le passage de la Méditerranée à la mer des Indes sera à elle.
Ce sera à elle le passage du golfe du Mexique au grand océan Boréal.
Elle aura, dans une armoire de l'Amirauté, la clef de l'Inde et la clef de l'Océanie, comme elle a déjà Celle de la Méditerranée.
Ce n'est pas tout.

Par son titre de protectrice des iles Ioniennes, elle jette l'ancre à la sortie de l'Adriatique et à l'entrée de la mer Egée. Elle pose un pied sur la terre des anciens Epirotes et des modernes Albanais. Quand l'Iriande lui refusera ses paysans, l'Ecosse ses montagnards ; quand les marchés d'hommes que tiennent les princes allemands se fermeront pour elle, elle recrutera parmi ces peuplades guerrières. Elle aura une escadre à Corfou, qui, en que1ques jours, pourra arriver aux Dardanelles. Elle aura une armée à Céphalonie, qui sera en une semaine aux sommets de l'Hémus. De là, elle balancera en Grèce l'influence de la Russie, et il lui suffira de quelques bateaux armés pour détruire le commerce de tout le littoral autrichien.

Voilà pour l'Angleterre,
Passons à la Russie.

La Russie, il y a cent ans, s'étendait de Kiew à l'île Saint-Laurent, des grands monts Altaï au golfe de Teniseï ; et peut-être avait-on le droit de croire que c'était pour lui marquer une limite que Behring avait découvert le détroit auquel, en mourant, il légua son nom.

La Russie ne s'est point arrêtée là.
Elle a rompu cette vieille limite de Kiew.

Le serpent Scandinave, qui enveloppe de ses replis les deux tiers du globe, a déroulé ses anneaux. D'une des mâchoires de sa gueule entrouverte pour dévorer la Prusse, il touche, à l'occident, la Vistule, et de l'autre le golfe de Bothnie ; à l'orient, il a franchi, en s'allongeant, le détroit de Behring, et ne s'est arrêté qu'en rencontrant l'Angleterre au pied du mont Saint-Elie et des monts Buchland. Comme une arête qui se serait dressée sur son dos, il porte aujourd'hui toute cette plage dentelée, qui, dernière limite du monde, se découpe sur l'océan Glacial, depuis le fleuve Piasina jusqu'aux îles des Ours, et depuis le lac Piasinskoé jusqu'au cap Sacré.

Ainsi, depuis cent ans, la Russie a gagné :

Sur la Suède :
La Finlande, Abo, Wiburg, l'Estlionie, la Livonie, Riga, Revel et une partie de la Laponie.

Sur l'Allemagne :
La Courlande et la Samogitie.

Sur la Pologne:
La Lithnanie, la Vothinie, une partie de