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— Voulez-vous prendre la peine d'entrer dans mon carrosse. — Page 172.

Colbert fut frappé de cette vigoureuse résistance à laquelle il n’était pas accoutumé. D’ordinaire, les gens d’épée, lorsqu’ils venaient chez lui, avaient un tel besoin d’argent, que, leurs pieds eussent-ils dû prendre racine dans le marbre, leur patience ne s’épuisait pas.

D’Artagnan allait-il droit chez le roi ? allait-il se plaindre d’une réception mauvaise ou raconter son exploit ? C’était une grave matière à réflexion.

En tout cas, le moment était mal choisi pour renvoyer d’Artagnan, soit qu’il vînt de la part du roi, soit qu’il vînt de la sienne. Le mousquetaire venait de rendre un trop grand service, et depuis trop peu de temps, pour qu’il fût déjà oublié.

Aussi Colbert pensa-t-il que mieux valait secouer toute arrogance et rappeler d’Artagnan.

— Hé ! monsieur d’Artagnan, cria Colbert, quoi ! vous me quittez ainsi ?

D’Artagnan se retourna.

— Pourquoi non ? dit-il tranquillement ; nous n’avons plus rien à nous dire, n’est-ce pas ?

— Vous avez au moins de l’argent à toucher, puisque vous avez une ordonnance ?

— Moi ? pas le moins du monde, mon cher monsieur Colbert.

— Mais enfin, Monsieur, vous avez un bon ! Et de même que vous donnez un coup d’épée pour le roi quand vous en êtes requis, je paye, moi, quand on me présente une ordonnance. Présentez.

— Inutile, mon cher monsieur Colbert, dit