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LES FRÈRES CORSES

— Mon pauvre ami, lui dis-je. Pardon de vous appeler ainsi ; mais il me semble que je vous connais depuis que je connais votre frère… Voyons… Vous êtes malheureux, n’est-ce pas ?… Qu’y a-t-il donc ?

— Oh ! mon Dieu, rien qui vaille la peine d’être redit.

Je vis qu’il voulait garder son secret, et je me tus.

Nous fîmes deux ou trois tours en silence ; moi, assez indifférent, car je n’attendais personne ; lui, l’œil toujours au guet et examinant chaque domino qui passait à la portée de notre vue,

— Tenez, lui dis-je, savez-vous ce que vous devriez faire ?

Il tressaillit comme un homme qu’on arrache à ses pensées.

— Moi ?… Non !… Que dites-vous ? Pardon…

— Je vous propose une distraction dont vous me paraissez avoir besoin.

— Laquelle ?

— Venez souper avec moi chez un ami.

— Oh ! non, par exemple… Je serais un trop maussade convive.

— Bah ! on dira des folies, et cela vous égayera.

— D’ailleurs, je ne suis pas invité.

— C’est ce qui vous trompe : vous l’êtes.

— C’est fort gracieux à votre amphitryon ; mais, parole d’honneur, je ne me sens pas digne…