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OTHON L’ARCHER

tions que son devancier, et obtint le même résultat.

C’était le tour de Mildar. Il vint prendre sa place au milieu du silence le plus profond, choisit avec un soin extrême une flèche dans sa trousse, la posa en équilibre sur son doigt, de manière à voir si le fer de la pointe ne pesait pas plus que l’ivoire de l’encoche ; puis, satisfait de l’examen, il l’ajusta sur la corde ; en ce moment, le comte de Ravenstein son patron se leva, et, tirant une bourse de sa poche :

— Mildar, lui dit-il, si tu touches plus près de la broche que tes deux adversaires, cette bourse est à toi.

Pins il jeta la bourse, qui vint rouler aux pieds de l’archer. Mais celui-ci était si préoccupé, qu’il sembla faire à peine attention à ce que lui disait son maître. La bourse tomba retentissante près de lui sans qu’il détournât la tête ; quelques regards cherchèrent un instant dans l’herbe cet or brillant au milieu des mailles de soie qui le renfermaient, puis se reportèrent aussitôt vers Mildar.

L’attente du comte de Ravenstein ne fut pas trompée ; la flèche de Mildar brisa la broche elle-même, et alla s’enfoncer au centre du but ; un cri partit de tous côtés ; le comte de Ravenstein battit des mains. Héléna, au contraire, pâlit si visiblement, que son père, inquiet, se pencha vers elle en lui demandant si elle souffrait ; mais celle-ci, pour toute réponse, secoua sa blonde tête en souriant, et le prince Adolphe, rassuré,