Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
OTHON L’ARCHER

ne lui connût ni terres ni comté, Béatrix, riche pour deux, heureuse de faire quelque chose pour celui qui avait tant fait pour elle, lui offrit, avec sa main, cette principauté qu’il lui avait conservée d’une manière si courageuse, et surtout si inattendue. Le chevalier tomba aux pieds de Béatrix : la jeune fille voulut le relever.

« — Pardon, madame, dit le chevalier, car, ayant besoin de votre indulgence, je resterai ainsi jusqu’à ce que je l’obtienne.

« — Parlez, répondit Béatrix. Je vous écoute, prête à vous obéir d’avance, comme si vous étiez déjà mon maître et mon seigneur.

« — Hélas ! dit le chevalier, il va sans doute vous paraître étrange que, recevant un si grand bonheur de vous, je ne puisse l’accepter qu’à une condition.

« — Elle est accordée, répondit Béatrix. Maintenant, quelle est-elle ?

« — C’est que jamais vous ne me demanderez ni mon nom, ni d’où je viens, ni d’où j’avais appris le danger dont vous étiez menacée ; car, si vous me le demandiez, je vous aime tant, que je n’aurais point le courage de vous refuser, et, une fois que je vous l’aurais dit, je ne pourrais plus demeurer près de vous et nous serions séparés pour toujours. Telle est la loi qui m’est imposée par la puissance qui m’a guidé à travers les monts, les plaines et les mers, pendant le long voyage que j’ai fait pour venir vous délivrer.