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OTHON L’ARCHER

« L’enfant n’en demanda point davantage. On l’avait habitué à regarder Dieu comme un père, et il ne s’étonna point qu’un père fit pour son enfant ce que Dieu avait fait pour sa mère.

« Mais la princesse Béatrix envisageait les choses autrement : elle avait réfléchi que le premier trésor des fils était le nom de leur père. Or, ses trois fils étaient sans nom. Souvent la question que chacun d’eux lui avait faite leur serait répétée par des hommes, et ils ne pourraient répondre à des hommes ce qu’ils avaient répondu à des enfants. Elle tomba donc dans une tristesse profonde et continue ; car, quelque chose qui pût arriver, elle était décidée à exiger de son époux le secret qu’elle avait promis de ne jamais demander.

« Le chevalier vit cette mélancolie croissante, et en devina la cause. Plus d’une fois, à l’aspect de Béatrix si malheureuse, il fut sur le point de lui tout dire ; mais, à chaque fois, il fut retenu par l’idée terrible que cette confidence serait suivie d’une séparation éternelle.

« Enfin Béatrix n’y put résister davantage, elle vint trouver le chevalier, et, tombant à ses genoux, elle le supplia, au nom de ses enfants, de lui dire qui il était, d’où il venait et qui l’avait envoyé.

« Le chevalier pâlit, comme s’il était près de mourir ; puis, abaissant ses lèvres sur le front de Béatrix et lui donnant un baiser ;