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LES FRÈRES CORSES

— Vous avez reçu une lettre de votre frère ? demandai-je.

— Non, dit-il, et voilà surtout ce qui m’inquiète.

— Mais comment savez-vous qu’il est souffrant ?

— Parce que, ces jours passés, j’ai souffert moi-même.

— Pardon de ces éternelles questions, mais cela ne m’explique pas…

— Ne savez-vous point que nous sommes jumeaux ?

— Si fait, mon guide me l’a dit.

— Ne savez-vous pas que, lorsque nous sommes venus au monde, nous nous tenions encore par le côté ?

— Non, j’ignorais cette circonstance.

— Eh bien, il a fallu un coup de scalpel pour nous séparer ; ce qui fait que, tout éloignés que nous sommes maintenant, nous avons toujours un même corps, de sorte que l’impression, soit physique, soit morale, que l’un de nous deux éprouve a son contre-coup sur l’autre. Eh bien, ces jours-ci, sans motif aucun, j’ai été triste, morose, sombre. J’ai ressenti des serrements de cœur cruels : il est évident que mon frère éprouve quelque profond chagrin.

Je regardai avec étonnement ce jeune homme, qui m’affirmait une chose si étrange sans paraître éprouver aucun doute ; sa mère, au reste, semblait éprouver la même conviction.

Madame de Franchi sourit tristement et dit :