Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
LES FRÈRES CORSES

— À propos, dit Lucien en se retournant, préviens dans le village que, si l’on entend quelques coups de fusil dans la montagne, c’est nous qui les aurons tirés.

— Soyez tranquille. Excellence.

— Sans cette précaution, reprit Lucien, peut-être aurait-on pu croire que les hostilités étaient recommencées, et aurions-nous entendu l’écho de nos fusils retentir dans les rues de Sullacaro. Nous fîmes quelques pas encore, puis nous prîmes à notre droite une petite ruelle qui conduisait directement à la montagne.


VI


Quoique nous fussions arrivés au commencement de mars à peine, le temps était magnifique, et l’on aurait pu dire qu’il était chaud, sans une charmante brise qui, tout en nous rafraîchissant, nous apportait cet âcre et vivace parfum de la mer.

La lune se levait, claire et brillante, derrière le mont de Cagna, et l’on eût dit qu’elle versait des cascades de lumière sur tout le versant occidental qui sépare la Corse en deux parties, et fait en quelque sorte, d’une seule île, deux pays différents toujours en guerre, ou du moins en haine l’un contre l’autre.

À mesure que nous montions, et que les gorges où coule le Tavaro s’enfonçait dans une nuit dont l’œil