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LES FRÈRES CORSES

à la main, tandis que, de mon côté, je donnais de l’éperon à mon cheval pour ne pas le faire attendre.

— Monsieur, me dit-il, je n’ai pas voulu vous laisser partir ainsi de Sullacaro sans vous remercier de l’honneur que vous avez bien voulu faire à un pauvre paysan comme moi en lui servant de témoin ; et, comme, là-bas, je n’avais ni le cœur à l’aise ni la langue libre, je suis venu vous attendre ici.

— Je vous remercie, lui dis-je ; mais il ne fallait pas vous déranger de vos affaires pour cela, et tout l’honneur a été pour moi.

— Et puis, continua le bandit, que voulez-vous, monsieur ! on ne perd pas en un instant l’habitude de quatre ans. L’air de la montagne est terrible ; quand on l’a respiré une fois, on étouffe partout. Tout à l’heure dans ces misérables maisons, je croyais à chaque instant que le toit allait me tomber sur la tête.

— Mais, répondis-je, vous allez cependant reprendre votre vie habituelle. Vous avez une maison, m’a-t-on dit, un champ, une vigne ?

— Oui, sans doute ; mais ma sœur gardait la maison, et les Lucquois étaient là pour labourer mon champ et vendanger mon raisin. Nous autres Corses, nous ne travaillons pas.

— Que faites-vous, alors ?

— Nous inspectons les travailleurs, nous nous promenons le fusil sur l’épaule, nous chassons.