Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/123

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fait la grimace ; Lachappelle-Marteau lui tourne le dos, et Bussy-Leclerc hausse les épaules. Allons, allons, M. de Mayneville, parlez, suez, soufflez, soyez éloquent, ventre de biche ! Oh ! à la bonne heure, voici les gens de l’auditoire qui se raniment. Oh ! oh ! on se rapproche, on lui serre la main, on jette en l’air les chapeaux ; diable !

Briquet, comme nous l’avons dit, voyait et ne pouvait entendre ; mais nous qui assistons en esprit aux délibérations de l’orageuse assemblée, nous allons dire aux lecteurs ce qui venait de s’y passer :

D’abord Crucé, Marteau et Bussy s’étaient plaints à M. de Mayneville de l’inaction du duc de Guise.

Marteau, en sa qualité de procureur, avait pris la parole :

— Monsieur de Mayneville, avait-il dit, vous venez de la part du duc Henri de Guise ? Merci. Et nous vous acceptons comme ambassadeur ; mais la présence du duc lui-même nous est indispensable. Après la mort de son glorieux père, à l’âge de dix-huit ans, il a fait adopter à tous les bons Français le projet de l’Union et nous a enrôlés tous sous cette bannière. Selon notre serment, nous avons exposé nos personnes et sacrifié notre fortune pour le triomphe de cette sainte cause ; et voilà que, malgré nos sacrifices, rien ne progresse, rien ne se décide. Prenez garde, monsieur de Mayneville, les Parisiens se lasseront ; or, Paris une fois las, que fera-t-on en France ? M. le duc devrait y songer.

Cet exorde obtint l’assentiment de tous les ligueurs, et Nicolas Poulain surtout se distingua par son zèle à l’applaudir.

M. de Mayneville répondit avec simplicité :

— Messieurs, si rien ne se décide, c’est que rien n’est mûr encore. Examinez la situation, je vous prie. M. le duc et son frère, M. le cardinal, sont à Nancy en observation : l’un met sur pied une armée destinée à contenir les huguenots de Flandre, que M. le duc d’Anjou veut jeter sur nous pour nous occuper ; l’autre expédie courrier sur courrier à tout le clergé de France, et au pape, pour faire adopter l’Union.