Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/139

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— C’est gênant pour frapper de près : pour défendre une poitrine royale, ce qui vaut mieux que des hallebardes et des mousquets, ce sont de bonnes poitrines.

— Hélas ! dit Henri, voilà ce que j’avais autrefois, et dans ces poitrines de nobles cœurs. Jamais on ne fût arrivé à moi du temps de ces vivants remparts qu’on appelait Quélus, Schomberg, Saint-Luc, Maugiron et Saint-Mégrin.

— Voilà donc ce que Votre Majesté regrette ? demanda d’Épernon, comptant saisir sa revanche en prenant le roi en flagrant délit d’égoïsme.

— Je regrette les cœurs qui battaient dans ces poitrines, avant toutes choses, dit Henri.

— Sire, dit d’Épernon, si j’osais, je ferais remarquer à Votre Majesté que je suis Gascon, c’est-à-dire prévoyant et industrieux ; que je tâche de suppléer par l’esprit aux qualités que m’a refusées la nature ; en un mot, que je fais tout ce que je puis, c’est-à-dire tout ce que je dois, et que par conséquent j’ai le droit de dire : Advienne que pourra.

— Ah ! voilà comme tu t’en tires, toi ; tu viens me faire grand étalage des dangers vrais ou faux que je cours, et quand tu es parvenu à m’effrayer, tu te résumes par ces mots : Advienne que pourra !… Bien obligé, duc.

— Votre Majesté veut donc bien croire un peu à des dangers ?

— Soit : j’y croirai si tu me prouves que tu peux les combattre.

— Je crois que je le puis.

— Tu le peux ?

— Oui, sire.

— Je sais bien. Tu as tes ressources, tes petits moyens, renard que tu es !

— Pas si petits.

— Voyons, alors.

— Votre Majesté consent-elle à se lever ?

— Pour quoi faire ?