Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/192

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— Pour le bourgeois qui habite là, répondit le valet en désignant à Chicot la maison de Robert Briquet.

— Pour moi, reprit Chicot ; décidément c’est pour moi.

Chicot perça la foule pour lire l’explication de l’énigme sur la manche et sur la poitrine des pages ; mais tout blason avait soigneusement disparu sous une espèce de tabart couleur de muraille.

— À qui êtes-vous, mon ami ? demanda Chicot à un tambourin qui chauffait ses doigts avec son haleine, n’ayant rien à tambouriner en ce moment-là.

— Au bourgeois qui loge ici, répondit l’instrumentiste, désignant avec sa baguette le logis de Robert Briquet.

— Ah ! ah ! dit Chicot, non-seulement ils sont ici pour moi, mais encore ils sont à moi. De mieux en mieux ; enfin nous allons bien voir.

Et, armant son visage de la plus compliquée grimace qu’il put trouver, il coudoya de droite et de gauche pages, laquais, musiciens, afin de gagner la porte, manœuvre à laquelle il parvint non sans difficulté, et là, visible et resplendissant dans le cercle formé par les porte-flambeaux, il tira sa clef de sa poche, ouvrit la porte, entra, repoussa la porte et ferma les verrous.

Puis, montant à son balcon, il apporta sur la saillie une chaise de cuir, s’y installa commodément, le menton appuyé sur la rampe, et là, sans paraître remarquer les rires qui accueillaient son apparition :

— Messieurs, dit-il, ne vous trompez-vous point, et vos trilles, cadences et roulades, sont-elles bien à mon adresse ?

— Vous êtes maître Robert Briquet ? demanda le directeur de tout cet orchestre.

— En personne

— Eh bien ! nous sommes tout à votre service, Monsieur, répliqua l’italien avec un mouvement de bâton qui souleva une nouvelle bourrasque de mélodie.