Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/194

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— M. Joyeuse ! murmura Chicot, qui reconnut dans le cavalier le grand amiral de France, botté et éperonné par ordre du roi.

Les curieux dispersés, l’orchestre se tut.

Probablement un signe du maître lui avait imposé le silence.

Le cavalier s’approcha du gentilhomme caché sous l’auvent.

— Eh bien ! Henri, lui demanda-t-il, quoi de nouveau ?

— Rien, mon frère, rien.

— Rien !

— Non, elle n’a pas même paru.

— Ces drôles n’ont donc point fait vacarme ?

— Ils ont assourdi tout le quartier.

— Ils n’ont donc pas crié, comme on le leur avait recommandé, qu’ils jouaient en l’honneur de ce bourgeois ?

— Ils l’ont si bien crié qu’il est là en personne, sur son balcon, écoutant la sérénade.

— Et elle n’a point paru ?

— Ni elle ni personne.

— L’idée était ingénieuse, cependant, dit Joyeuse piqué ; car enfin elle pouvait, sans se compromettre, faire comme tous ces braves gens et profiter de la musique donnée à son voisin.

Henri secoua la tête.

— Ah ! l’on voit bien que vous ne la connaissez point, mon frère, dit-il.

— Si fait, si fait, je la connais ; c’est-à-dire que je connais toutes les femmes, et comme elle est comprise dans le nombre, eh bien, ne nous décourageons pas.

— Oh ! mon Dieu, mon frère, vous me dites cela d’un ton découragé.

— Pas le moins du monde ; seulement, à partir d’aujourd’hui, il faut que chaque soir le bourgeois ait sa sérénade.

— Mais elle va déménager !