Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/203

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ce matin je n’ai que des idées de lièvre. En route ! en route !

Comme Chicot fermait la porte de la rue, avec non moins de soin qu’il avait fermé la porte de sa chambre, il aperçut à sa fenêtre le serviteur de la dame inconnue qui prenait l’air, espérant sans doute, vu le bon matin, n’être point aperçu.

Cet homme, comme nous l’avons déjà dit, était complètement défiguré par une blessure reçue à la tempe gauche et qui s’étendait sur une partie de la joue.

L’un de ses sourcils, en outre, déplacé par la violence du coup, cachait presque entièrement l’œil gauche, renfoncé dans son orbite.

Chose étrange ! avec ce front chauve et sa barbe grisonnante, il avait le regard vif, et comme une fraîcheur de jeunesse sur la joue qui avait été épargnée.

À l’aspect de Robert Briquet qui descendait le seuil de sa porte, il se couvrit la tête de son capuchon.

Il fit un mouvement pour rentrer, mais Chicot lui fit un signe pour qu’il demeurât.

— Voisin ! lui cria Chicot, le tintamarre d’hier m’a dégoûté de ma maison ; je vais aller quelques semaines à ma métairie, seriez-vous assez obligeant pour donner de temps en temps un coup d’œil de ce côté ?

— Oui, Monsieur, répondit l’inconnu, bien volontiers.

— Et si vous aperceviez des larrons…

— J’ai une bonne arquebuse. Monsieur, soyez tranquille.

— Merci. Toutefois, j’aurais encore un service à vous demander, mon voisin.

— Parlez, je vous écoute.

Chicot sembla mesurer de l’œil la distance qui le séparait de son interlocuteur.

— C’est bien délicat à vous crier de si loin, cher voisin, dit-il.

— Je vais descendre alors, répondit l’inconnu.

En effet, Chicot le vit disparaître ; et comme pendant cette