Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/234

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par mon ordre. Que demandez-vous, cher monsieur Briquet ?

— Je demande à frère Borromée s’il sait d’où vient ce casque.

— Il faisait partie d’un lot d’armures que le révérend prieur a achetées hier pour armer le couvent.

— Moi ? fit Gorenflot.

— Votre Seigneurie a commandé, elle se le rappelle, que l’on apportât ici plusieurs casques et plusieurs cuirasses, et l’on a exécuté les ordres de votre Seigneurie.

— C’est vrai, c’est vrai, dit Gorenflot.

— Ventre de biche ! dit Chicot, mon casque était donc bien attaché à son maître, qu’après l’avoir conduit moi-même à l’hôtel de Guise, il vienne comme un chien perdu me retrouver au prieuré des Jacobins !

En ce moment, sur un geste de frère Borromée, les lignes se faisaient régulières et le silence s’établit dans les rangs.

Chicot s’assit sur un banc, afin d’assister à son aise aux manœuvres.

Gorenflot se tint debout, d’aplomb sur ses jambes comme sur deux poteaux.

— Attention ! dit tout bas frère Borromée.

Dom Modeste tira un sabre gigantesque de son fourreau de fer, et, le brandissant en l’air, il cria d’une voix de stentor :

— Attention !

— Votre Révérence se fatiguerait peut-être à faire les commandements, dit alors frère Borromée avec une douce prévenance. Votre Révérence souffrait ce matin : s’il lui plaît ménager sa précieuse santé, je commanderai aujourd’hui l’exercice.

— Je le veux bien, dit dom Modeste : en effet, je suis souffrant, j’étouffe ; allez.

Borromée s’inclina, et, en homme habitué à ces sortes de consentements, il vint se placer au front de la troupe.