Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/240

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— Je ne crois pas, dit Borromée.

— Eh bien ! j’en suis sûr, moi.

— Monsieur Briquet, qui connaît les armes, dit Borromée avec un ton amer, devrait peut-être essayer la force de Jacques par lui-même ; il s’en rendrait mieux compte alors.

— Oh ! moi, je suis vieux, dit Chicot,

— Oui, mais savant, dit Borromée.

— Ah ! tu railles, pensa Chicot ; attends, attends. Mais, continua-t-il, il y a une chose qui ôte de la valeur à mon observation.

— Laquelle ?

— C’est que frère Borromée, en digne maître, a, j’en suis sûr, laissé toucher Jacques un peu par complaisance.

— Ah ! ah ! fit Jacques à son tour en fronçant le sourcil.

— Non, certes, répondit Borromée en se contenant, mais exaspéré au fond ; j’aime Jacques, certainement, mais je ne le perds point avec ces sortes de complaisances.

— C’est étonnant, fit Chicot comme se parlant à lui-même, je l’avais cru, excusez-moi.

— Mais enfin, vous qui parlez, dit Borromée, essayez donc, monsieur Briquet.

— Oh ! ne m’intimidez pas, dit Chicot.

— Soyez tranquille, Monsieur, dit Borromée, on aura de l’indulgence pour vous ; on connaît les lois de l’Église.

— Païen ! murmura Chicot.

— Voyons, monsieur Briquet, une passe seulement.

— Essaye, dit Gorenflot, essaye.

— Je ne vous ferai point de mal, Monsieur, dit Jacques prenant à son tour le parti de son maître, et désirant, de son côté, donner son petit coup de dent ; j’ai la main très-douce.

— Cher enfant ! murmura Chicot en attachant sur le jeune moine un inexprimable regard qui se termina par un silencieux sourire.

— Voyons, dit-il, puisque tout le monde le veut…