Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/277

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— De quoi s’étonne Votre Majesté ? dit d’Épernon ; je trouve la figure fort ordinaire, moi.

— Vraiment ?

Et le roi se prit à rêver.

— Comment t’appelles-tu ? lui dit-il.

— Frère Jacques, sire.

— Tu n’as pas d’autre nom ?

— Mon nom de famille, Clément.

— Frère Jacques Clément ? répéta le roi.

— Votre Majesté ne trouve-t-elle pas aussi quelque chose d’étrange dans le nom ? dit en riant le duc.

Le roi ne répondit point.

— Tu as très-bien fait la commission, dit-il au moine, sans cesser de le regarder.

— Quelle commission, sire ? demanda le duc avec cette hardiesse qu’on lui reprochait, et que lui donnait une familiarité de tous les jours.

— Rien, dit Henri ; un petit secret entre moi et quelqu’un que tu ne connais pas, ou plutôt que tu ne connais plus.

— En vérité, sire, dit d’Épernon, vous regardez étrangement cet enfant, et vous l’embarrassez.

— C’est vrai, oui. Je ne sais pourquoi mes regards ne peuvent pas se défendre de lui ; il me semble que je l’ai déjà vu ou que je le verrai. Il m’est apparu dans un rêve, je crois. Allons, voilà que je déraisonne. Va-t’en, petit moine, tu as fini ta mission. On enverra la lettre demandée à celui qui la demande ; sois tranquille. D’Épernon !

— Sire ?

— Qu’on lui donne dix écus.

— Merci, dit le moine.

— On dirait que tu as dit merci du bout des dents ! reprit d’Épernon, qui ne comprenait point qu’un moine parût mépriser dix écus.

— Je dis merci du bout des dents, reprit le petit Jacques,