Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/285

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— Ce sont de beaux sentiments, Monsieur, et il vous faut de bien grandes raisons pour les avoir.

— J’ai pensé, Monseigneur, que vous êtes l’ami du roi, que vous ne me trahiriez point, et que vous tourneriez au profit de tous la révélation que je viens faire.

Le duc regarda longtemps Poulain, et scruta profondément les linéaments de cette figure pâle.

— Il doit y avoir autre chose encore, dit-il ; la duchesse, toute résolue qu’elle soit, n’oserait pas tenter seule une pareille entreprise.

— Elle attend son frère, répondit Nicolas Poulain.

— Le duc Henri ! s’écria d’Épernon avec la terreur qu’on éprouverait à l’approche du lion.

— Non pas le duc Henri, Monseigneur, le duc de Mayenne seulement.

— Ah ! fit d’Épernon respirant ; mais n’importe, il faut aviser à tous ces beaux projets.

— Sans doute, Monseigneur, fit Poulain, et c’est pour cela que je me suis hâté.

— Si vous avez dit vrai, monsieur le lieutenant, vous serez récompensé.

— Pourquoi mentirais-je, Monseigneur ? Quel est mon intérêt, moi qui mange le pain du roi ? Lui dois-je, oui ou non, mes services ? J’irai donc jusqu’au roi, je vous en préviens, si vous ne me croyez pas, et je mourrai, s’il le faut, pour prouver mon dire.

— Non, parfandious ! vous n’irez pas au roi ; entendez-vous, maître Nicolas ? et c’est à moi seul que vous aurez affaire.

— Soit, Monseigneur ; je n’ai dit cela que parce que vous paraissiez hésiter.

— Non, je n’hésite pas ; et d’abord ce sont mille écus que je vous dois.

— Monseigneur désire donc que ce soit à lui seul ?

— Oui, j’ai de l’émulation, du zèle, et je retiens le secret pour moi. Vous me le cédez, n’est-ce pas ?