Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et à quel propos vous chercherais-je querelle ? Est-ce que je vous connais, moi ? riposta dédaigneusement Sainte-Maline.

— Vous me connaissez parfaitement, Monsieur, dit Ernauton. D’abord, parce que là-bas d’où nous venons ma maison est à deux lieues de la vôtre, et que je suis connu dans le pays, étant de vieille souche ; ensuite, parce que vous êtes furieux de me voir à Paris, quand vous croyiez y avoir été mandé seul ; en dernier lieu, parce que le roi m’a donné sa lettre à porter.

— Eh bien, soit ! s’écria Sainte-Maline, blême de fureur, j’accepte tout cela pour vrai. Mais il en résulte une chose…

— Laquelle ?

— C’est que je me trouve mal près de vous.

— Allez-vous-en si vous voulez ; pardieu ! ce n’est pas moi qui vous retiens.

— Vous faites semblant de ne me point comprendre.

— Au contraire, Monsieur, je vous comprends à merveille. Vous aimeriez assez à me prendre la lettre pour la porter vous-même ; malheureusement il faudrait me tuer pour cela.

— Qui vous dit que je n’en ai pas envie ?

— Désirer et faire sont deux.

— Descendez avec moi jusqu’au bord de l’eau seulement, et vous verrez si, pour moi, désirer et faire sont plus d’un.

— Mon cher Monsieur, quand le roi me donne à porter une lettre…

— Eh bien ?

— Eh bien ! je la porte.

— Je vous l’arracherai de force, fat que vous êtes !

— Vous ne me mettrez pas, je l’espère, dans la nécessité de vous casser la tête comme à un chien sauvage ?

— Vous ?

— Sans doute, j’ai un grand pistolet, et vous n’en avez pas.