Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/295

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Il avait donc fait un détour et coupé le passage au bas-normand, en l’attendant en travers d’une rue étroite.

À cette vue, le cœur de Sainte-Maline déborda de joie : il ressentit un mouvement d’effusion et de reconnaissance qui donna une suave expression à son regard, puis tout à coup son visage s’assombrit : il avait compris toute la supériorité d’Ernauton sur lui, car il s’avouait qu’à la place de son compagnon il n’eût pas même eu l’idée d’agir comme lui.

La noblesse du procédé le terrassait : il la sentait pour la mesurer et en souffrir.

Il balbutia un remerciement auquel Ernauton ne fit pas attention, ressaisit furieusement la bride de son cheval, et, malgré la douleur, se remit en selle.

Ernauton, sans dire un seul mot, avait pris les devants au pas en caressant son cheval.

Sainte-Maline, nous l’avons dit, était excellent cavalier ; l’accident dont il avait été victime était une surprise ; au bout d’un instant de lutte dans laquelle cette fois il eut l’avantage, redevenu maître de sa monture, il lui fit prendre le trot.

— Merci, Monsieur, vint-il dire une seconde fois à Ernauton, après avoir consulté cent fois son orgueil et les convenances.

Ernauton se contenta de s’incliner de son côté, en touchant son chapeau de la main.

La route parut longue à Sainte-Maline.

Vers deux heures et demie environ, ils aperçurent un homme qui marchait, escorté d’un chien : il était grand, avait une épée au côté ; il n’était pas Chicot, mais il avait des bras et des jambes dignes de lui.

Sainte-Maline, encore tout fangeux, ne put se tenir ; il vit qu’Ernauton passait et ne prenait pas même garde à cet homme.

L’idée de trouver son compagnon en faute passa comme