Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/309

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demeuré fort présentable ; restaient bien deux trous, traces de deux coups de poignard, mais Pertinax avait fait broder d’or ces deux endroits, ce qui remplaçait un défaut par un ornement.

Eustache de Miradoux ne brillait pas ; il lui avait fallu habiller Lardille, Militor et les deux enfants.

Lardille avait choisi un costume aussi riche que les lois somptuaires permettaient aux femmes de le porter à cette époque ; Militor s’était couvert de velours et de damas, s’était orné d’une chaîne d’argent, d’un toquet à plumes et de bas brodés ; de sorte qu’il n’était plus resté au pauvre Eustache qu’une somme à peine suffisante pour n’être pas déguenillé.

M. de Chalabre avait conservé son pourpoint gris de fer, qu’un tailleur avait rafraîchi et doublé à neuf. Quelques bandes de velours, habilement semées çà et là, donnaient un relief nouveau à ce vêtement inusable.

M. de Chalabre prétendait qu’il n’avait pas demandé mieux que de changer de pourpoint, mais que, malgré les recherches les plus minutieuses, il lui avait été impossible de trouver un drap mieux fait et plus avantageux.

Du reste, il avait fait la dépense d’un haut-de-chausses ponceau, de bottes, manteau et chapeau, le tout harmonieux à l’œil, comme cela arrive toujours dans le vêtement de l’avare.

Quant à ses armes, elles étaient irréprochables : vieil homme de guerre, il avait su trouver une excellente épée espagnole, une dague du bon faiseur et un hausse-col parfait. C’était encore une économie de cols gaudronnés et de fraises.

Ces Messieurs s’admiraient donc réciproquement quand M. de Loignac entra, le sourcil froncé.

Il fit former le cercle, et se plaça au milieu de ce cercle avec une contenance qui n’annonçait rien d’agréable. Il est inutile de dire que tous les yeux se fixèrent sur le chef.