Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/310

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— Messieurs, demanda-t-il, êtes-vous tous ici ?

— Tous ! répondirent quarante-cinq voix, avec un ensemble plein de promesses pour les manœuvres à venir.

— Messieurs, continua Loignac, vous avez été mandés ici pour servir de garde particulière au roi ; c’est un titre honorable, mais qui engage beaucoup.

Loignac fit une pause qui fut occupée par un doux murmure de satisfaction.

— Cependant plusieurs d’entre vous me paraissent n’avoir point parfaitement compris leurs devoirs ; je vais les leur rappeler.

Chacun tendit l’oreille : il était évident que l’on était ardent à connaître ses devoirs, sinon empressé à les accomplir.

— Il ne faudrait pas vous figurer, Messieurs, que le roi vous enrégimente et vous paye pour agir en étourneaux, et distribuer çà et là, à votre caprice, des coups de bec et des coups d’ongle ; la discipline est d’urgence, quoiqu’elle demeure secrète, et vous êtes une réunion de gentilshommes, lesquels doivent être les premiers obéissants et les premiers dévoués du royaume.

L’assemblée ne soufflait pas ; en effet, il était facile de comprendre, à la solennité de ce début, que la suite serait grave.

— À partir d’aujourd’hui, vous vivez dans l’intimité du Louvre, c’est-à-dire dans le laboratoire même du gouvernement : si vous n’assistez pas à toutes les délibérations, souvent vous serez choisis pour en exécuter la teneur ; vous êtes donc dans le cas de ces officiers qui portent en eux, non-seulement la responsabilité d’un secret, mais encore la puissance du pouvoir exécutant.

Un second murmure de satisfaction courut dans les rangs des Gascons ; on voyait les têtes se redresser comme si l’orgueil eût grandi ces hommes de plusieurs pouces.

— Supposez maintenant, continua Loignac, qu’un de ces officiers, sur lequel repose parfois la sûreté de l’État ou la tranquillité de la couronne, supposez, dis-je, qu’un officier