Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/311

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trahisse le secret des conseils, ou qu’un soldat chargé d’une consigne ne l’exécute pas, il y va de la mort, vous savez cela ?

— Sans doute, répondirent plusieurs voix.

— Eh bien ! Messieurs, poursuivit Loignac avec un accent terrible, ici même, aujourd’hui, on a trahi un conseil du roi, et rendu impossible peut-être une mesure que Sa Majesté voulait prendre.

La terreur commença de remplacer l’orgueil et l’admiration ; les quarante-cinq se regardèrent les uns les autres avec défiance et inquiétude.

— Deux de vous, Messieurs, ont été surpris en pleine rue, caquetant comme deux vieilles femmes, et jetant au brouillard des paroles si graves, que chacune d’elles maintenant peut aller frapper un homme et le tuer.

Sainte-Maline s’avança aussitôt vers M. de Loignac, et lui dit :

— Monsieur, je crois avoir l’honneur de vous parler ici au nom de mes camarades : il importe que vous ne laissiez point planer plus longtemps le soupçon sur tous les serviteurs du roi ; parlez vite, s’il vous plaît ; que nous sachions à quoi nous en tenir, et que les bons ne soient point confondus avec les mauvais.

— Ceci est facile, répondit Loignac.

L’attention redoubla.

— Le roi a reçu avis aujourd’hui qu’un de ses ennemis, un de ceux précisément que vous êtes appelés à combattre, arrivait à Paris pour le braver ou conspirer contre lui. Le nom de cet ennemi a été prononcé secrètement, mais entendu d’une sentinelle, c’est-à-dire d’un homme qu’on eût dû regarder comme une muraille, et qui, comme elle, eût dû être sourd, muet et inébranlable ; cependant, ce même homme, tantôt, en pleine rue, a été répéter le nom de cet ennemi du roi avec des fanfaronnades et des éclats qui ont attiré l’attention des passants et soulevé une sorte d’émotion : je le sais, moi qui suivais le même chemin que