Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/327

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— Et pourquoi cela vous contrarie-t-il, Monseigneur ? demandèrent avec surprise quelques membres de la députation.

— Ah ! c’est que, comprenez bien, Messieurs, ces gens-là, qui n’ont pas d’opinion, et qui par conséquent ne fraternisent pas avec vous, voyant qu’il n’y a plus à Paris de magistrats, plus de force publique, plus de royauté, plus rien enfin de ce qui les contient encore, se mettront à piller vos boutiques pendant que vous ferez la guerre, et vos maisons pendant que vous occuperez le Louvre : tantôt ils se mettront avec les Suisses contre vous, tantôt avec vous contre les Suisses, de façon qu’ils seront toujours les plus forts.

— Diable ! firent les députés en se regardant entre eux.

— Je crois que c’est assez grave pour qu’on y pense, n’est-ce pas, Messieurs ? dit le duc. Quant à moi, je m’en occupe fort, et je chercherai un moyen de parer à cet inconvénient ; car votre intérêt avant le nôtre, c’est la devise de mon frère et la mienne.

Les députés firent entendre un murmure d’approbation.

— Maintenant, Messieurs, permettez à un homme qui a fait vingt-quatre lieues à cheval dans sa nuit et dans sa journée, d’aller dormir quelques heures ; il n’y a pas péril dans la demeure, quant à présent du moins, tandis que si vous agissez il y en aurait : ce n’est point votre avis peut-être ?

— Oh ! si fait, monsieur le duc, dit Brigard.

— Très-bien.

— Nous prenons donc bien humblement congé de vous, Monseigneur, continua Brigard, et quand vous voudrez bien nous fixer une nouvelle réunion…

— Ce sera le plus tôt possible, Messieurs, soyez tranquilles, dit Mayenne ; demain peut-être, après-demain au plus tard.

Et prenant effectivement congé d’eux, il les laissa tout