Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/62

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— Ah ! trahison ! trahison ! cria-t-il. Eh bien ! je vais parler, je veux parler, je veux tout dire ! Ah ! maudite duch…

La voix dominait les hennissements des chevaux et les rumeurs de la foule ; mais tout à coup elle s’éteignit.

— Arrêtez ! arrêtez ! cria Catherine.

Il était trop tard. La tête de Salcède, naguère roidie par la souffrance et la fureur, retomba tout à coup sur le plancher de l’échafaud.

— Laissez-le parler, vociféra la reine mère. Arrêtez, mais arrêtez donc !

L’œil de Salcède était démesurément dilaté, fixe, et plongeant obstinément dans le groupe où était apparu le page. Tanchon en suivait habilement la direction.

Mais Salcède ne pouvait plus parler, il était mort.

Tanchon donna tout bas quelques ordres à ses archers, qui se mirent à fouiller la foule dans la direction indiquée par les regards dénonciateurs de Salcède.

— Je suis découverte, dit le jeune page à l’oreille d’Ernauton ; par pitié, aidez-moi, secourez-moi. Monsieur ; ils viennent ! ils viennent !

— Mais que voulez-vous donc encore ?

— Fuir : ne voyez-vous point que c’est moi qu’ils cherchent ?

— Mais qui êtes-vous donc ?

— Une femme… Sauvez-moi ! protégez-moi !

Ernauton pâlit ; mais la générosité l’emporta sur l’étonnement et la crainte.

Il plaça devant lui sa protégée, lui fraya un chemin à grands coups de pommeau de dague et la poussa jusqu’au coin de la rue du Mouton, vers une porte ouverte.

Le jeune page s’élança et disparut dans cette porte qui semblait l’attendre et qui se referma derrière lui.

Il n’avait pas même eu le temps le lui demander son nom ni où il le retrouverait.

Mais en disparaissant, le jeune page, comme s’il eût de-