Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/86

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— Combien pouvez-vous loger de personnes ici ? demanda le capitaine lorsqu’il fut arrivé au premier.

— Trente personnes, dont dix maîtres.

— Ce n’est point assez, belle hôtesse, répondit le capitaine.

— Pourquoi cela, Monsieur ?

— J’avais un projet, n’en parlons plus.

— Ah ! Monsieur, vous ne trouverez certainement pas mieux que l’hôtellerie du Rosier d’Amour.

— Comment ! du Rosier d’Amour ?

— Du Fier Chevalier, je veux dire, et à moins d’avoir le Louvre et ses dépendances…

L’étranger attacha sur elle un singulier regard.

— Vous avez raison, dit-il, et à moins d’avoir le Louvre…

Puis à part :

— Pourquoi pas, continua-t-il ; ce serait plus commode et moins cher… Vous dites donc, ma bonne dame, reprit-il tout haut, que vous pourriez à demeure recevoir ici trente personnes ?

— Oui, sans doute.

— Mais pour un jour ?

— Oh ! pour un jour, quarante et même quarante-cinq.

— Quarante-cinq ! parfandious ! c’est juste mon compte.

— Vraiment ! voyez donc comme c’est heureux.

— Et sans que cela fasse esclandre au dehors ?

— Quelquefois, le dimanche, nous avons ici quatre-vingts soldats ?

— Et pas de foule devant la maison, pas d’espion parmi les voisins ?

— Oui mon Dieu, non ; nous n’avons pour voisin qu’un digne bourgeois qui ne se mêle des affaires de personne, et pour voisine qu’une dame qui vit si retirée que, depuis trois semaines qu’elle habite le quartier, je ne l’ai pas encore vue ; tous les autres sont de petites gens.

— Voilà qui me convient à merveille.