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le voyageur, se détachant sur le chemin grisâtre, apparaissait pareil au More d’une cible, à quiconque se fût senti le désir de lui envoyer une balle d’arquebuse.

Tout à coup Chicot entendit au loin un certain bruit semblable au roulement que font sur la terre sèche des chevaux qui galopent.

Il se retourna ; et au bas de la côte dont il avait atteint la moitié, il vit des cavaliers montant à toute bride.

Il les compta ; ils étaient sept.

Quatre avaient des mousquets sur l’épaule.

Le soleil couchant tirait de chaque canon un long éclat d’un rouge de sang.

Les chevaux de ces cavaliers gagnaient beaucoup sur le cheval de Chicot. Chicot d’ailleurs ne se souciait pas d’engager une lutte de rapidité, dont le résultat eût été de diminuer ses ressources en cas d’attaque.

Il fit seulement marcher son cheval en zigzags, pour enlever aux arquebusiers la fixité du point de mire.

Ce n’était point sans une profonde intelligence de l’arquebuse en général, et des arquebusiers en particulier, que Chicot employait cette manœuvre ; car au moment où les cavaliers se trouvaient à cinquante pas de lui, il fut salué par quatre coups qui, suivant la direction dans laquelle tiraient les cavaliers, passèrent droit au-dessus de sa tête.

Chicot s’attendait, comme on l’a vu, à ces quatre coups d’arquebuse ; aussi avait-il fait son plan d’avance. En entendant siffler les balles, il abandonna les rênes et se laissa glisser à bas de son cheval. Il avait eu la précaution de tirer son épée du fourreau, et tenait à la main gauche une dague tranchante comme un rasoir, et pointue comme une aiguille.

Il tomba donc, disons-nous, et cela, de telle façon que ses jambes fussent des ressorts pliés, mais prêts à se détendre ; en même temps, grâce à la position ménagée dans la chute, sa tête se trouvait garantie par le poitrail de son cheval.