Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/64

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gneurie, mais non ma fortune, que mon refus de vous obéir rend, je ne le cache point, très-aventurée ; mais il n’importe ; je fais ce que je dois et ne ferai que cela, et nul, excepté le roi, n’aura la lettre que vous me demandez, si ce n’est la personne à qui elle est adressée.

M. d’Épernon fit un mouvement terrible.

— Loignac, dit-il, vous allez à l’instant même faire conduire au cachot M. de Carmainges.

— Il est certain que, de cette façon, dit Carmainges en souriant, je ne pourrai remettre à madame de Montpensier la lettre dont je suis porteur, tant que je resterai dans ce cachot, du moins ; mais une fois sorti…

— Si vous en sortez, toutefois, dit d’Épernon.

— J’en sortirai. Monsieur, à moins que vous ne m’y fassiez assassiner, dit Ernauton avec une résolution qui, à mesure qu’il parlait, devenait plus froide et plus terrible ; oui, j’en sortirai, les murs sont moins fermes que ma volonté, eh bien ! Monseigneur, une fois sorti…

— Eh bien ! une fois sorti ?

— Eh bien ! je parlerai au roi, le roi me répondra.

— Au cachot ! au cachot ! hurla d’Épernon, perdant toute retenue ; au cachot, et qu’on lui prenne sa lettre !

— Nul n’y touchera ! s’écria Ernauton en faisant un bond en arrière et en tirant de sa poitrine les tablettes de Mayenne ; et je mettrai cette lettre en morceaux, puisque je ne puis sauver cette lettre qu’à ce prix ; et, ce faisant, M. le duc de Mayenne m’approuvera, et Sa Majesté me pardonnera.

Et en effet, le jeune homme, dans sa résistance loyale, allait séparer en deux morceaux la précieuse enveloppe quand une main arrêta mollement son bras.

Si la pression eût été violente, nul doute que le jeune homme n’eût redoublé d’efforts pour anéantir la lettre, mais voyant qu’on usait de ménagement, il s’arrêta en tournant la tête sur son épaule.