Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/104

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— Rendre service à l’armée d’abord, dit l’enseigne, et de ce sentiment je n’en doute pas.

— D’abord, avez-vous dit ? quel est l’ensuite, Monsieur ?

— Ah ! Monseigneur, dit l’enseigne, je ne sais pas.

— Vous me trompez ou vous vous trompez vous-même, Monsieur ; vous savez.

— Monseigneur, je ne puis donner, même à Votre Altesse, que les raisons de mon service.

— Vous le voyez, dit le prince en se retournant vers les quelques officiers demeurés à table, j’avais parfaitement raison de me tenir caché, Messieurs, puisqu’il y a dans mon armée des secrets dont on m’exclut.

— Ah ! Monseigneur, reprit l’enseigne, Votre Altesse comprend bien mal ma discrétion ; il n’y a de secrets qu’en ce qui concerne M. du Bouchage ; ne pourrait-il pas arriver, par exemple, que tout en servant l’intérêt général, M. Henri eût voulu rendre service à quelque parent ou à quelque ami, en le faisant escorter ?

— Qui donc est ici parent ou ami du comte ? Qu’on le dise ; voyons, que je l’embrasse !

— Monseigneur, dit Aurilly, en venant se mêler à la conversation avec cette respectueuse familiarité dont il avait pris l’habitude, Monseigneur, je viens de découvrir une partie du secret, et il n’a rien qui puisse motiver la défiance de Votre Altesse. Ce parent que M. du Bouchage voulait faire escorter, eh bien…

— Eh bien ? fit le prince ; achève, Aurilly.

— Eh bien, Monseigneur, c’est une parente.

— Ah ! ah ! ah ! s’écria le duc ; que ne me disait-on la chose tout franchement ? Ce cher Henri !… Eh mais ! c’est tout naturel… Allons, allons, fermons les yeux sur la parente, et n’en parlons plus.

— Votre Altesse fera d’autant mieux, dit Aurilly, que la chose est des plus mystérieuses.

— Comment cela ?