Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/119

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— Votre Altesse est-elle fixée ?

— Oui, Château-Thierry me convient sous tous les rapports, c’est à une distance convenable de Paris, à vingt-quatre lieues ; j’y surveillerai MM. de Guise, qui sont la moitié de l’année à Soissons. Donc, c’est à Château-Thierry que tu m’amèneras la belle inconnue.

— Mais, Monseigneur, elle ne se laissera peut-être pas emmener.

— Es-tu fou ? Puisque du Bouchage m’accompagne à Château-Thierry et qu’elle suit du Bouchage, les choses, au contraire, iront toutes seules.

— Mais elle peut vouloir aller d’un autre côté, si elle remarque que j’ai de la pente à la conduire vers vous.

— Ce n’est pas vers moi que tu la conduiras, mais, je te le répète, c’est vers le comte. Allons donc ! mais, parole d’honneur, on croirait que c’est la première fois que tu m’aides en pareille circonstance. As-tu de l’argent ?

— J’ai les deux rouleaux d’or que Votre Altesse m’a donnés au sortir du camp des polders.

— Va donc de l’avant ! Et par tous les moyens possibles, tu entends ? par tous, amène-moi ma belle inconnue à Château-Thierry ; peut-être qu’en la regardant de plus près je la reconnaîtrai.

— Et le valet aussi ?

— Oui, s’il ne te gêne pas.

— Mais s’il me gêne ?

— Fais de lui ce que tu fais d’une pierre que tu rencontres sur ton chemin : jette-le dans un fossé.

— Bien, Monseigneur.

Tandis que les deux funèbres conspirateurs dressaient leurs plans dans l’ombre, Henri montait au premier et réveillait Remy.

Remy, prévenu, frappa à la porte d’une certaine façon, et presque aussitôt la jeune femme ouvrit.

Derrière Remy, elle aperçut du Bouchage.