Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/121

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— Rassurez-vous, Madame, il a entendu dire à son compagnon qu’il ne vous connaissait pas.

— N’importe, n’importe ! dit la jeune femme en regardant Remy.

— Tout ce que vous voudrez, Madame, tout, dit Remy en armant ses traits d’une suprême résolution.

— Ne vous alarmez point, Madame, dit Henri, le duc va partir à l’instant même ; un quart d’heure encore et vous serez seule et libre. Permettez-moi donc de vous saluer avec respect et de vous dire encore une fois que, jusqu’à mon soupir de mort, mon cœur battra pour vous et par vous. Adieu ! Madame, adieu !

Et le comte, s’inclinant aussi religieusement qu’il eût fait devant un autel, fit deux pas en arrière.

— Non ! non ! s’écria Diane avec l’égarement de la fièvre ; non, Dieu n’a pas voulu cela ; non ! Dieu avait tué cet homme, il ne peut l’avoir ressuscité ; non, non, Monsieur ; vous vous trompez, il est mort !

En ce moment même, et comme pour répondre à cette douloureuse invocation à la miséricorde céleste, la voix du prince retentit dans la rue :

— Comte, disait-elle, comte, vous nous faites attendre.

— Vous l’entendez, Madame, dit Henri. Une dernière fois, adieu !

Et serrant la main de Remy, il s’élança dans l’escalier.

Diane s’approcha de la fenêtre, tremblante et convulsive comme l’oiseau que fascine le serpent des Antilles.

Elle aperçut le duc à cheval ; son visage était coloré par la lueur des torches que portaient deux gendarmes,

— Oh ! il vit le démon, il vit ! murmura Diane à l’oreille de Remy avec un accent tellement terrible, que le digne serviteur en fut épouvanté lui-même ; il vit, vivons aussi. Il part pour la France : soit, Remy, c’est en France que nous allons.