Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/123

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mie d’un bourgeois compatissant, je sais ce que vous voulez dire.

— Vraiment ? demanda Remy.

— Oui, vous voulez parler de la jeune dame.

— De quelle jeune dame ? s’écria Remy sur la défensive.

— La ! la ! ne vous fâchez point, mon bon ami, répondit Aurilly ; je suis l’intendant de la maison de Joyeuse ; j’ai rejoint mon jeune maître par l’ordre de son frère, et, à son départ, le comte m’a recommandé une jeune dame et un vieux serviteur qui ont l’intention de retourner en France, après l’avoir suivi en Flandre…

Cet homme parlait ainsi en s’approchant de Remy avec un visage souriant et affectueux. Il s’était placé, dans son mouvement, au milieu du rayon de la lampe, en sorte que toute la clarté l’illuminait.

Remy alors put le voir.

Mais, au lieu de s’avancer de son côté vers son interlocuteur, Remy fit un pas en arrière, et un sentiment semblable à celui de l’horreur se peignit un instant sur son visage mutilé.

— Vous ne répondez pas, on dirait que je vous fais peur ? demanda Aurilly de son visage le plus souriant.

— Monsieur, répondit Remy en affectant une voix cassée, pardonnez à un pauvre vieillard que ses malheurs et ses blessures ont rendu timide et défiant.

— Raison de plus, mon ami, répondit Aurilly, pour que vous acceptiez le secours et l’appui d’un honnête compagnon ; d’ailleurs, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, je viens de la part d’un maître qui doit vous inspirer confiance.

— Assurément, Monsieur.

Et Remy fit un pas en arrière.

— Vous me quittez ?…

— Je vais consulter ma maîtresse ; je ne puis rien prendre sur moi, vous comprenez.